LES USINES VOYAGENT


Les usines voyagent

Vers le soleil

Oubliant au passage

Les corps usés et les mains vieilles


La sirène s'enroue

Et rouille dans la poussière

Et la poussière joue

Suspendue au soleil

Qui tombe en mille puits

De lumière scintillante

C'est music-hall dans les travées

L'usine est une treille


Car le toit meurt de la lèpre

Sa vilaine peau laisse le ciel

Laisse le vent, laisse la grêle

Plonger les murs dans le sommeil


Pourtant il fallait voir

Comme le cadavre bougeait bien

Comme gueulaient les établis

A nous éclater les oreilles


Et les machines-outils

Qu'on avait dressées comme des clébards

Elles aboyaient encore si fort

Quand ils sont venus les piquer


Et moi que vais-je faire

De mes poumons dégorgeant de poussière

Ma carcasse pleine d'ordures

Serait un pot de confiture


On serait morts d'avoir vécu

Privilégiés sans le savoir

Eux le savaient depuis toujours

Dans leur salons pleins de dorures


Les usines voyagent

Mais personne à leur bord

Sur le tarmac, des visages

Striés par la colère


Et sous les gifles serties de bagues

Venues frapper des joues osseuses

Le portail s'est refermé...


Pourtant il fallait voir

Comme le cadavre portait beau

Dans son costume de sueur

De huit heures en huit heures


Et les machines-outils

Qu'on avait dressées comme des clébards

Elles aboyaient encore si fort

Quand ils sont venus les piquer


Et moi que vais-je faire

De mes poumons dégorgeant de cancer

Ma carcasse pleine d'ordures

Serait un pot de confiture


On serait morts d'avoir vécu

Privilégiés sans le savoir

Eux le savaient depuis toujours

De leur salons pleins de dorures


Ils ont hissé des paravents

Nous ont tués de préambules

Ils ont tissé des toiles de plomb

Pour nous bâtir des bulles

De beaux salons pénitentiaires

Ils ont sucré leurs mines de sel

A l'ombre de leur talon

De fer et de nickel